Ecrits de grossesse

Toi, la Grossesse,

Toi, chemin fleuri et escarpé

Chemin de montagne, vers le ciel, les étoiles.

Chemin qui monte, dur et pierré

Dans la voûte céleste et sans voile

Tu m’éprouves…

Je suis l’enfant ascensionnée.

 

 

02 Juillet 2007 (entrée dans le 5ème mois)

 

Une grippe et la grande fête d’anniversaire de Julien ont mené mon corps au bout de ses ressources. Je me sens épuisée physiquement et je prends conscience de cette grossesse enracinée dans mon ventre, et de ma fragilité affective. Pour la première fois, je ressens un besoin de soutien.

 

Je n’ai pas peur. Jusque-là, je me sentais inébranlable, forte de mes convictions. A présent, je me sens basculer dans le lâcher prise mental, je me sens glisser dans l’ébranlement émotionnel. Je n’ai pas peur, je ne sais même pas si je pense au mot « confiance », il n’existe pas dans le monde dans lequel j’entre. Dans ce monde, je sens que je me laisse faire, je me laisse glisser, envahir, pénétrer, pétrir. Je ne sais plus si je suis forte ou fragile, pas plus que je ne nage je ne suis balancée par les vagues, je suis devenue moi-même le flux et le reflux…

 

Je prends conscience de l’inéluctable réalité de la naissance. L’accouchement n’est plus un rêve ou une idée, mais une issue. Mon fœtus est devenu un bébé. Je prends conscience et connaissance de son corps. Aujourd’hui, j’ai vu pour la première fois une petite vague onduler sur la peau de mon ventre. Il aime les caresses du bout des doigts, il tend son corps pour les recevoir, et il aime la présence de son père, parfois je sens intuitivement qu’il la cherche. Il me semble qu’il éprouve de la curiosité pour son frère, mais j’ai l’impression qu’il lui parait moins « extérieur », moins extra-ordinaire que son père.

 

Lors de ma première grossesse, je me sentais très centrée, très retirée du monde avec un bébé complètement au-dedans de moi. A cette deuxième grossesse, j’ai le sentiment de porter mon ventre vers le monde, comme si un aimant intérieur désirait avec ardeur en rencontrer les expériences.

 

 

12 Septembre 2007 (7ème mois)

 

Ca y est, j’ai le trac. L’implacable et lumineuse vérité est tombée comme un couperet ce matin devant ma glace : « mon Dieu ! Je ressemble à une femme enceinte ! ».

Depuis quelques jours, je me sens plus pataude et mon ventre devient lourd et encombrant. Je trouve plus compliqué de m’habiller. Le moindre effort m’essouffle : je plains les vieux.

C’est long la grossesse : on fait un voyage intérieur incroyable à vitesse accélérée, c’est une révolution, mais c’est trop court maintenant… J’ai le trac de la rencontre, le trac de l’enfant. J’ai une peur. Une peur abyssale, comme un puit sans fond dans lequel je ne vois rien. Lâcher prise ? Je me demande bien comment faire !

Ma grossesse consiste à dénouer une multitude de nœuds, comme un chapelet.

 

 

30 Septembre 2007 (fin du 7ème mois)

 

Après quelques jours passés en Bretagne, je vais rentrer avec Antoine pour Courbevoie, Julien va animer une formation à Rennes. Tout mon corps, tout mon être, crie qu’il veut rester là, en Bretagne, dans la maison de vacances de mes parents. Je ne veux pas partir, j’ai envie d’accoucher là. Je me sens absolument capable, là, en résonance avec tout ce qui m’entoure.

Je me plie à contrecœur à la raison et aux obligations, mais je le sais, je le sens, mon instinct a raison. L’idée de retourner en ville me rend profondément malheureuse.

 

De retour à Courbevoie, je suis simplement fatiguée par la route, désabusée, désorientée… J’ai envie de pleurer mais surtout, j’ai froid. Tout mon corps a froid. L’action n’y change rien, je suis gelée.

 

 

02 Octobre 2007 (entrée dans le 8ème mois)

 

Je sens une ambivalence. D’une part, je me sens mieux armée, plus prête, confiante, je me sens dans mon corps et je sens mon corps, j’ai l’écoute plus aiguisée, les sens en éveil. D’autre part, j’ai envie de fuir sans le pouvoir. L’inconnu de l’enfant me fait très peur.

 

Dans la glace, mon ventre me paraît très gros. Je n’ai pas l’habitude d’être en expansion, cela m’effraie.

 

Julien est un bon soutien. Je le sens père. Il est impliqué. J’ai besoin de lui. Il me porte pendant que je porte l’enfant. Je sais que je pourrai me couler totalement en lui pendant l’accouchement.

 

 

08 Octobre 2007 (8ème mois)

 

Je me sens irritée, fatiguée, j’ai envie d’avoir la paix. Je trouve la maison sale. J’ai envie de déménager : j’ai besoin d’espace.

 

Je crois que Julien aussi nidifie. En Bretagne, il fallait qu’il bricole, qu’il jardine, qu’il travaille sans relâche… Il m’a dit qu’il voulait vendre l’appartement.

J’ai besoin de lui, physiquement. Un besoin animal de me rapprocher. Je ne sais pas comment faire. Je trouve pourtant sa protection… j’en ai incroyablement besoin.

 

J’ai besoin d’éloigner le bruit, la foule, les obligations.

J’ai envie d’accoucher au loin.

 

 

09 Octobre 2007 (8ème mois)

 

J’ai passé une nuit lourde et bienfaisante quand je me réveille à cinq heures. Antoine demande à aller aux toilettes et la chienne à sortir. Je me recouche.

La journée est difficile. Antoine a besoin de stimulations et je m’acharne à essayer d’ordonner malgré tout la maison. Il est crevé, moi aussi.

J’ai un blocage au bassin qui me paralyse un bon moment dans la baignoire, avec l’aide d’Antoine j’ai réussi à m’extirper et à m’asseoir sur les WC, le temps que ça passe. C’est douloureux, handicapant, je pleure de rage.

Par la suite, j’ai les larmes aux yeux. Je n’ai pas envie de me reposer, pas envie de m’allonger comme mon corps me dit de faire.

Au parc, je pleure devant deux amies. Ca me fait chier, mais je ne peux pas faire autrement.

Un bain sera salvateur.

 

 

10 Octobre 2007 (8ème mois)

 

Je rêve que je mange de la chair d’enfant. C’est un déjeuner tranquille sur la terrasse ensoleillée d’une vieille bâtisse en pierre. L’air est doux, on devine de la verdure. Le couple qui a cuisiné le rôti m’a montré auparavant le puit en pierre dans lequel était gardé l’enfant. Ils sont souriants, affables. Je mange, un peu surprise, ma tranche de rôti, cela ressemble à de la viande blanche. Tout est calme, serein…

Je me réveille immédiatement, complètement troublée… Certes, j’ai un enfant dans le ventre… peut-être ce rêve signifie t’il que je digère quelque chose, la grossesse ou un vécu antérieur, que j’accepte en moi cet enfant à naître ?

 

 

22 Octobre 2007 (8ème mois)

 

« Une danse amoureuse avec toi, mon homme !

Toi, pour accoucher de moi.

Moi, suspendue à toi, à tes lèvres, à tes bras.

Une danse amoureuse, toi mon Hermès, mon arbre, mon soleil, mon ciel suspendu, mon amour sombre et doré ! Toi, la verticalité…

Et moi, l’eau sourde, l’eau qui dort, l’eau qui boue, l’eau du tumulte, l’eau ondulante… mon bassin vibrant, suspendu à ta bouche, à tes yeux…

Je souhaite accoucher en toi… »

 

Il ne s’agit pas de mon bébé. Il ne s’agit pas d’accoucher sa mère.

C’est une famille qui attend, c’est un père, un aîné, une femme, c’est toute la famille qui s’ouvre ! Je ne suis que la Porte, la Matrice, la Nourrice…

Il s’agit de la naissance d’un être, au travers de moi, au sein d’une famille….

 

 

02 Novembre 2007 (entrée dans le 9ème mois)

 

J’attends l’instant, j’attends le moment. La première contraction, je la reconnaîtrai… J’attends… avec espoir, avec appréhension, avec joie, avec confiance aussi, confiance en l’abandon…

Ce n’est plus très loin. Je fais confiance… à Antoine, à Julien, à Romane… Mes amours.

Romane, tu vas naître à toi-même, et je sens que tu es consciente au-delà des mots.

 

 

08 Novembre 2007 (9ème mois)

 

Je n’ai plus peur de rien. Je ressens une confiance totale. Je me sens prête.

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